Démarche / Recherches
Ma recherche porte sur les déplacements pendulaires, ces trajets
aller-retour que nous réalisons quotidiennement. J’habite en
banlieue sud et mon atelier se trouve à l’extrême opposé. Chaque
jour, je prends le RER, le métro, la voiture, le vélo et marche…
Je photographie et filme toutes ces déambulations sans crainte
de répétition.
Les images produites sont ambivalentes : elles rendent compte
du vagabondage de l’esprit tout en s’attachant à la réalité du
moment. Cet ancrage dans le quotidien, ajouté à l’échappatoire
permise par le transport, donne lieu à des images doubles
présentant différents niveaux de lecture. Ces clichés glanés sur
le terrain et retravaillés sont ensuite transposés en alugraphie,
imprimés sur différents matériaux (plexiglas, bois, bâche…), puis
intégrés à une installation.
Afin de donner une nouvelle dimension à mes estampes, je
fabrique des structures d’encadrement en métal polymorphes.
Les formes des structures sont inspirées par le mobilier urbain
ponctuant mes trajets, pour leur aspect familier, ainsi que la
dimension commune et publique qu’ils dégagent.
Je m’intéresse aux zones transitoires et de passages, des non-lieux
tels que les a définis Marc Augé : des espaces interchangeables
où les individus qui les habitent restent anonymes. J’observe les
mouvements, flux individuels et collectifs, ainsi que les temps
d’attente impersonnels qui animent ces non-lieux.
Je travaille sur la poétique du quotidien, la banalité sublimée.
À l’instar de Bernard Bazile, lorsque dans les années 80, il
peignait des rectangles brillant au sol d’une gare du métro aérien
parisien. Comme le disait le théoricien Patrick Javaut à propos
de cette œuvre « Métro Glacière », « c’est avec des détails qui
accrochent le regard de l’usager que Bazile rend visible ce qui est
normalement perdu dans le continuum de la vision, occulté par
la banalisation du voyage en métro ».
Dans mon travail il s’agit également de s’attacher à des éléments
subtils qui parsèment nos transitions quotidiennes, de sublimer
ces voyages, de s’interroger sur ces interstices, de créer de
nouveaux paysages inexplorés, des projections intimes.
Perdre ses repères, en créer de nouveaux, traverser des
frontières physiques, mentales. S’évader dans la fiction puis être
soudainement rappelé au réel.
Une quête pour donner à voir l’insaisissable : la lumière, l’espace,
le temps, le mouvement, la vitesse, les rêveries.
Inspirée par la narration métaleptique de Continuidad de los
Parques de Julio Cortàzar, les installations de Christian Marclay
et de Dan Graham, les miroirs sérigraphiés de Michelangelo
Pistoletto, j’ai étudié les effets de la métalepse (objet de mon
mémoire audiovisuel de l’ENSBA en 2015).
Cette figure narrative et rhétorique implique de créer une
rupture avec le pacte fictionnel, casser le 4e mur, tel un aparté au
spectateur. Elle permet de franchir le cadre et d’ouvrir plusieurs
niveaux dans une œuvre. Je l’intègre dans mes recherches en
évoquant la périphérie de l’œuvre, par des jeux de superpositions,
de mises en abyme, de lumières, impliquant les mouvements, le
corps et le regard du spectateur, lequel devra se déplacer pour
appréhender l’œuvre dans sa globalité.
Je partage l’obsession de Cortàzar : « l’homme ayant découvert
sa réalité dans l’imaginaire ou son domaine imaginaire dans une
existence aux données les plus réalistes […], il va et vient dans un
monde dont l’insolite fluidité remet en cause les notions admises
d’un envers et d’un endroit, d’un haut et d’un bas éventuels ».
Les « histoires » de Julio Cortazar envoûtent le lecteur, « des
métamorphoses d’un réalisme aux frontières du fantastique ».
Laure Guille-Bataillon préface de “Les armes secrètes” 1963
Pour mieux appréhender mon travail il convient de déambuler
autour des œuvres, de prendre en compte l’espace hors cadre,
les jeux de lumières, de transparence, de reflets et de volumes
polymorphes.
« Sur le plexiglas se superposent des images. Elles sont issues de ces routes que l’on arpente quotidiennement, entre ici et là, ces routes que l’on parcourt sans presque s’en rendre compte. On y perçoit des images qui se mêlent en nous et resurgissent parfois, fluides, imbriquées, pleines de surprises et de poésie – ici et là. »
Grégoire Prangé, 2022 (à propos de l’installation URBAN DIVING exposée à l’exposition LE DRIVE aux Grandes Serres de Pantin.)
Publications
- Catalogue 18ème Biennale
d’art contemporain de
Champigny sur Marne,2022 - Interview: Article Artistik Rezo par Coralie Halgand 2020: https://www.artistikrezo.com/art/lea-rivera-hadjes-jeprouve-le-besoin-dimager-le-monde.html
- Édition PUF 2019,
illustration pour un tote bag
Édition Quadrige, tiré à
10.000 exemplaires. - Édition Cimaise 1, 2019
- Félicita 2017,
Édition des Beaux Arts de Paris, 2017
Projections
- Les Métalepses de Tex Avery , 1:20, film couleur.
Projection du film au Festival du Documentaire de l’ENSBA, 2017. Paris XI - Printcar Diplörama, 4min, projection vidéo sur le corps de la danseuse France Paillard.
Performance-2019
